Le fardeau administratif freine les investissements en Europe et menace la transition energetique
- L’Europe est à la traîne : les coûts élevés et les réglementations complexes découragent les industries et éloignent les perspectives d’investissement.
- Une revue de la réglementation est nécessaire de toute urgence : les pouvoirs publics et l’industrie doivent travailler ensemble pour simplifier les règles, réduire les charges réglementaires et rétablir la compétitivité.
- L’UE doit adopter une gamme plus large de solutions bas carbone pour assurer une transition énergétique juste et à moindre coût.
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L’Europe regorge de potentiel. Elle dispose des infrastructures, des ressources et des compétences nécessaires pour développer son économie et réduire ses émissions de carbone.
Nous le savons parce que nous sommes au cœur de l’économie européenne depuis 135 ans. Et rien qu’au cours de la dernière décennie, nous avons investi plus de 20 milliards d’euros en Europe. Nos 12 000 salariés en Europe assurent le bon fonctionnement de nos activités et fournissent l’énergie et les produits issus de la chimie qui aident à faire fonctionner l’économie et rendent notre vie moderne possible.
Toutefois, le potentiel ne signifie rien si l’on ne se donne pas les moyens de le concrétiser. Ce dont l’UE a besoin, c’est de changement, et d’un changement rapide.
La compétitivité industrielle de l’Europe est en berne. Elle est à la traîne par rapport à la Chine, l’Inde et les États-Unis, et l’écart se creuse en raison des coûts élevés de l’énergie et du travail, de la faible productivité et de l’augmentation constante du nombre de lois et réglementations complexes.
Si les entreprises ne sont pas attirées pour investir dans la zone, l’Europe s’expose au risque de voir sa base industrielle se fragiliser davantage. Cette « désindustrialisation » se traduit également par la disparition d’emplois et une mise en péril de la sécurité économique, l’UE devenant toujours plus dépendante des importations.
Cela impacte également les objectifs climatiques de l’UE. Après tout, les entreprises innovantes recherchent les endroits les plus attractifs pour investir dans les opportunités bas carbone. Elles souhaitent placer leur argent là où un ensemble complet de solutions bénéficie de davantage de soutien.
ExxonMobil est prêt à travailler sur des projets bas carbone qui pourraient aider à conserver l’infrastructure industrielle existante et soutenir les objectifs climatiques de l’Europe. Nous poursuivons notre plan de plus de 20 milliards de dollars d’investissement dans des projets bas carbone dans le monde sur la période 2022-2027, mais le cadre politique actuel de l’UE nous dissuade littéralement, d’apporter nos nombreuses technologies et solutions sur les marchés de l’UE.
Que doit-il changer ?
L’UE doit alléger le fardeau réglementaire. Cela pourrait être fait rapidement, avec des retombées à très court terme. Selon European Roundtable for Industry (ERT), 91 % des PDG de l’UE estiment que l’amélioration des réglementations est le moyen le plus rapide et le plus efficace de rétablir la compétitivité.
Le récent rapport sur l’avenir de la compétitivité européenne de l’ancien Premier ministre italien Mario Draghi appelle à la mise en place de réglementations plus simples et à la réduction du nombre de rapports. Il soutient la mise en œuvre de la proposition de la Commission européenne précédemment annoncée, visant à réduire de 25 % les exigences de « reporting », et propose de soumettre les réglementations de l’UE à des « tests de compétitivité » pour s’assurer qu’elles ne pénalisent pas davantage la compétitivité de l’UE.
Mario Draghi souhaite également que la Commission « reporte les initiatives » qui pourraient nuire à la compétitivité ou à l’innovation.
Son rapport souligne que les dispositifs de l’UE concernant le « reporting » en matière de durabilité de l’UE (Directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, ou CSRD) et la directive sur le devoir de vigilance (Directive relative à la diligence requise en matière de durabilité par les entreprises, ou CS3D) sont « une source majeure de charge réglementaire » qui impliquera des « coûts de conformité significatifs pour les entreprises ».
Je ne peux qu’être d’accord. Au lieu d’alourdir la charge qui incombe aux entreprises et complexifier leur cadre, la Commission devrait maintenant prendre un peu de recul, réévaluer et repenser la manière dont elle peut rendre les activités commerciales plus attractives en Europe.
Je reste résolument optimiste ; je crois que l’UE souhaite faire ce qu’il faut et qu’elle se rendra vite compte qu’elle n’emprunte pas la bonne voie.
L’UE doit élargir son panel de solutions pour favoriser une transition énergétique réfléchie.
Lorsque la Cour des comptes européenne, instance indépendante, a examiné la stratégie hydrogène de l’UE, elle a appelé à un « retour à la réalité » quant aux objectifs trop ambitieux de la stratégie concernant la production et l’importation d’hydrogène renouvelable. Oui, nous avons besoin d’hydrogène renouvelable, mais nous avons également besoin que les autres types d’hydrogène bas carbone, y compris ceux issus du gaz naturel et du nucléaire, soient inclus dans l’équation.
De même, il est communément admis que le captage et stockage de carbone (CCS) est essentiel pour atteindre l’objectif de neutralité carbone. En tant qu’entreprise jouant un rôle majeur dans la mise en œuvre de projets CCS à travers le monde, nous nous réjouissons que l’UE s’accorde avec nous sur le fait que cette technologie est cruciale pour atteindre les objectifs de la société en matière d’émissions de carbone. Cependant, au lieu de se contenter d’exiger l’injection de CO2 par la technologie CCS, l’UE devrait évoluer vers un système basé sur le marché, rendant cette technologie plus compétitive et encourageant les investissements nécessaires. De manière générale, la « carotte » encourage l’investissement, tandis que le « bâton » conduit les entreprises comme ExxonMobil à investir ailleurs.
Le recyclage chimique est une autre technologie qui devrait être encouragée. Il est inacceptable que l’incinération augmente en Europe, à plus forte raison lorsque la technologie de recyclage des produits issue de la chimie fonctionne, et qu’elle pourrait être déployée à plus grande échelle en bénéficiant d’un soutien approprié des pouvoir publics. Notre technologie éprouvée nous permet de transformer les plastiques difficiles à recycler en matières premières vierges permettant de fabriquer de nouveaux produits de haute valeur ajoutée. C’est déjà ce que nous faisons aux États-Unis, où nous avons traité plus de 27 000 tonnes de déchets plastiques qui, sans recyclage chimique, auraient, selon toute vraisemblance, fini dans des déchetteries.
Cependant, le rapport de Mario Draghi sur la compétitivité affirme qu’il n’existe à l’heure actuelle aucun modèle économique viable pour le recyclage du plastique en Europe, car les coûts sont trop élevés par rapport aux coûts d’incinération et de création de plastique vierge. Pour assurer la viabilité économique de cette solution et encourager les investissements, un système pragmatique de « bilan massique » encore appelé « mass balance » est nécessaire, afin de qualifier le contenu recyclé et générer une plus forte demande, et ainsi maximiser la conversion des déchets plastiques en matière première de valeur pour la production de nouveaux produits.
Seuls les plus dogmatiques nieraient le fait que la société a besoin d’un ensemble de technologies de recyclage pour répondre à l’enjeu posé par les déchets plastiques.
Il est désormais temps d’agir.
L’Europe a la volonté et toutes les cartes en main pour montrer la voie. Cela ne sera cependant possible que si les responsables politiques corrigent le cap.
Les dirigeants politiques doivent démontrer leur volonté d’apporter des changements concrets, et ce rapidement. Le secteur de la chimie a été mis en sérieuse difficulté. Selon l’association professionnelle CEFIC, l’industrie ne fonctionne qu’à 75 % de sa capacité et sa production est en recul de 10 % par rapport à 2021. En parallèle, le secteur du raffinage a vu une douzaine de raffineries fermer au cours des cinq dernières années, selon Concawe. Certes, l’UE pourrait, comme indiqué dans le rapport sur l’état de l’Union de l’énergie de la Commission européenne, continuer à réduire les émissions, mais décarboner par la désindustrialisation n’est pas la bonne réponse. Les Européens devront en payer le prix, avec des pénuries de produits, des coûts plus élevés, des disparitions d’emplois et une dépendance accrue aux importations.
Mon message à la nouvelle Commission européenne et au Parlement est simple :
- Faciliter les activités commerciales.
- La réglementation est utile, mais ne doit pas devenir complexe au point d’entraver les entreprises et d’éloigner les investisseurs.
- Être ouvert à un panel de technologies plus large pour réduire les émissions.
- Permettre aux entreprises d’innover et tirer parti des forces du marché pour stimuler la concurrence.
Sans action de leur part, l’écart ne cessera de grandir entre l’UE et le reste du monde. Mais s’ils saisissent la mesure de ce potentiel et préservent l’ouverture commerciale de l’UE, ils pourraient revitaliser son secteur industriel et sa compétitivité, tout en guidant le monde vers un avenir à faibles émissions.
Le potentiel seul ne suffit pas. Il nous faut mener des actions concrètes pour le concrétiser.